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La troisième règle de survie

La troisième règle… elle est plus difficile à expliquer parce qu’elle concerne les prisonniers politiques. Les prisonniers politiques ont une déformation professionnelle : ils se croient toujours innocents. J’avais des codétenus, massacreurs issus des Croix Flechées (mouvement fasciste hongrois) qui adorait Szàlasi (leur leader), massacraient les Juifs mais ils faisaient ça par fanatisme et se considéraient innocents. Alors, cette phrase « moi, innocent, que ces salauds armés veulent détruire » n’avait là-bas aucun sens. Il y avait les quatre miradors avec des mitrailleuses pointées, nous étions à 2500 kilomètres de notre pays. Nous ne pouvions fuir nulle part. Il fallait oublier la dichotomie d’innocents et de salauds. Et passer à autre chose ; ce n’était pas facile. Mais en dix ans, on avait le temps. Petit et faible, grand et fort. Quand le tribunal militaire nus a condamné à Budapest, nous n’étions personne, nous étions des vaincus et eux, les vainqueurs. Je ne dis pas que le critère de la vérité est la mitraillette, mais c’étaient eux les vainqueurs et ils nous ont écrasés. Et j’ai dit à mes compagnons : « les gars. Tout ça, c’est une donnée… si je suis un sentier dans la forêt, je ne regarde pas sous mes chaussures pour voir si j’ai écrasé une fourmi. Pourquoi le ferais-je ? Elle est si petite. Mais si je ne suis pas d’accord d’être une fourmi devant ces soldats armés, alors c’est dans ces circonstances et dans cette situation que je dois montrer que je suis meilleur, j’ai plus de valeur et je suis plus noble qu’eux. C’est ce qui mobilise les énergies nécessaires à la survie. petits plaisirs. Donc, c’était terriblement important.