Біографії
Jonas MAŠALAS
Jonas Mašalas naît en 1947 dans une famille nombreuse composée de six enfants et ses parents. Ils ont été déportés de leur village d’origine Šakarniai le 29 mars 1949, lorsque Jonas Mašalas n’avait qu’un an et demi. Dans les années 1930, son père avait effectué un voyage à Buenos Aires, où il avait acquis des savoir-faire en tant que brasseur et avait constitué un pécule pour fonder une brasserie à son retour en Lituanie.
Selon les informations qui circulaient dans la famille, la famille a été déportée suite à une dénonciation d'un proche, le frère de son père Dzidoris, à l’époque combattant (iastrebok) et chef de la cellule locale du komsomol. Ce conflit interne à la famille croise les raisons économiques de leur déportation : Dzidoris en effet avait fondé une famille et, épousant une femme issue d’une famille pauvre, contre l'avis de son frère, le père de Jonas.
Déportés dans la région d’Irkoutsk, les parents de Jonas travaillaient dans un kolkhoze. Ils partageaient une maison avec d’autres déplacés, puis progressivement ont pu stabiliser leurs revenus et ont construit leur propre foyer. 11 familles lituaniennes se trouvaient dans ce village spécial. Elles maintenaient des liens étroits d’entre-aide, mais aussi de sociabilité. Les fêtes lituaniennes et des fêtes religieuses étaient célébrées au même titre que le 7 novembre. Les savoir-faire dont les déportés étaient porteurs étaient très valorisés par les habitants locaux. Tout en travaillant, les enfants poursuivaient des études et Jonas Mašalas était particulièrement incité à poursuivre cette voie par sa sœur aînée. À l’âge de 7 ans, il a commencé à aller à l’école du village Abramovka. En 1965, il a été diplômé de l’école secondaire.
Ayant travaillé en tant que tractoriste, il a accompli son service militaire et a suivi les Cours supérieures des officiers. Trois fois, il a tâché de rentrer à l’Académie du ministère des Affaires intérieures, mais systématiquement son dossier a été refusé au moment où son dossier devait être visé par le KGB. « Ton dossier doit comporter la mention “fils du koulak”. Point. », lui expliqua un de ses amis officiers. Ionas s’est alors engagé dans la police. En 1971, il est entré à la faculté du droit de l’Université. Par la suite, il a enseigné à l’école de police pendant 11 ans, a également dirigé une kommandantur. En 1992, il est devenu colonel et dès lors sa carrière ne semblait plus être freinée par ses origines de déporté. En 1996 et 1997, en qualité de chef de l’OMON (Détachement mobile à vocation particulière), il est allé en Tchétchénie.
La famille Mašalas est restée dans le village spécial, tandis qu'au début des années 1960, étant libérés, tous les autres foyers lituaniens l'ont quitté. Le père et la sœur aînée de Jonas ont alors entrepris un voyage en Lituanie, au terme duquel ils ont pris la décision de ne pas changer leurs conditions de vie et de rester en Sibérie. Fait douloureux pour la famille, Dziduris, le frère aîné du père, habitait la maison des Mašalas.
En 1974, Jonas, pour sa part, a fait une tentative de poursuivre sa carrière de policier à Vilnius. L’entretien qu’il a passé avec un officier local, qui, d’après ses observations, aurait pu participer aux déportations, l’a définitivement convaincu de rester en Sibérie. Jonas a constitué son parcours au croisement d’un attachement à la langue et à la culture lituanienne et d’une aspiration (rare parmi les déportés) à devenir membre du parti et militaire.
Les entretiens avec Jonas Mašalas ont été conduit en 2013 et 2014 par Emilia Koustova et Alain Blum.