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Vie quotidienne en déportation
Rencontres

«A Krasnoïarsk, nous nous sommes rencontrés sans nous reconnaître, cinq personnes de la même classe. On avait étudié dans la même classe, et on a vu qu’il y en avait un à Krasnoïarsk, puis un autre aussi, etc. On avait presque tous été déportés lorsqu’on était encore des étudiants. Après on se rencontrait là-bas, le plus souvent les dimanches, quand nous le pouvions. Ici, j'ai une photo avec quelques-uns d’entre nous. Certains ont été emmenés dès le début à Krasnoïarsk, ceux qui avaient des spécialisations, ils ont fondé des familles. La vie continuait, rien à faire ; les uns mouraient, d'autres naissaient. Il y avait quelquefois des obsèques très douloureuses quand des jeunes hommes mouraient après être tombé malades... parce qu'ils étaient déportés très jeunes, le travail était physique, et ça détériorait la santé… ils mouraient jeunes… il y avait parfois des accidents de toutes sortes... Il y avait là-bas des Lituaniens très cultivés. J’en ai déjà parlé, j’ai raconté et écrit plusieurs fois en Lituanie qu'il y avait un tel prêtre, le professeur Gustas. Il était ouvrier du bâtiment dans le camp, mais il a fait ce travail très peu de temps. Comme il connaissait bien l’anglais et le français, il est devenu traducteur dans une usine. Il devait traduire les notices des machines qu’ils achetaient, les descriptions de fonctionnement des machines. Il racontait qu’on lui donnait du travail et on lui disait : “Tu as une semaine pour le faire”, mais il le terminait en deux-trois jours et après il avait trois jours libres… il partait à la campagne, il venait comme ça chez nous, à 20 km. A Pâques ou un autre moment... ou simplement un dimanche. Les Allemands l’aimaient bien car il parlait très bien allemand, il leur manquait. Une personne très cultivée.»