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Etudes universitaires pour un ancien déporté

«Nous avions terminé les cours à l’école, il fallait s’inscrire quelque part pour étudier, nous n'avions le droit d’aller qu’au chef-lieu du kraï, à Barnaoul. Nous n’avions pas le droit d’aller à Novossibirsk, seulement au chef-lieu du kraï. Là-bas il n’y avait que deux facultés, deux instituts : l’institut de pédagogie et l’institut d’agriculture. Et nous ne voulions bien sûr aller ni dans l’un ni dans l’autre. Et mon frère, il aimait tellement les mathématiques, il voulait absolument devenir mathématicien, mais moi, je ne voulais faire aucune des voies qui nous étaient permises. Je voulais aller en sciences humaines, je ne voulais pas aller à l’institut pédagogique. Mais nous ne pouvions aller nulle part… On nous refusait partout, donc mon frère s’est inscrit à la faculté de mathématiques… il pouvait s’y inscrire. Donc pour les mathématiques, il fallait qu’il aille à Tomsk, mais vu qu’il devait aller à Tomsk, nous y sommes allés ensemble parce que c’était encore plus difficile de nous garder un par un là-bas. Mais nous… nous les avons dupés parce que nous avions eu seize ans en mars, mais nous devions aller nous inscrire en juin, et nos passeports… si nous avions pris nos passeports là-bas, nous n’aurions pas eu le droit d’y aller. Mais si nous partions là-bas sans passeport alors on nous… on nous donnerait des passeports, et après pour rentrer à la maison pour les vacances, il nous fallait une autorisation, nous ne pouvions plus y aller, nous avions des passeports où il était marqué que nous n’avions pas le droit de sortir de notre village dans le kraï de l’Altaï, mais après avec mon frère, nous n’avons plus eu le droit de rentrer à la maison sans autorisation. Cela marchait comme ça là-bas. Donc voilà, et après j’ai eu des problèmes, nous sommes partis sans passeports, nous nous sommes inscrits, lui à l’université, et moi à l’institut polytechnique. Et là-bas, j’ai eu un problème, on ne pouvait pas obtenir la feuille d’examen sans avoir de passeport. Donc je suis resté là-bas plusieurs jours jusqu’à ce qu’il y ait un nouveau secrétaire, il ne connaissait rien, donc il me l’a donné. Alors, je suis allé au bureau du doyen, « Où est votre passeport ? », j’ai dit : « Je n’en ai pas », « Alors faites en faire un », on ne m’a rien donné et on ne m’a pas laissé passer les examens. Mais après j’ai pu m’en sortir, et après mon frère s’est inscrit à l’université, je me suis inscrit à l’institut polytechnique mais à la faculté de mécanique. C’était la seule faculté sur treize où j’avais le droit de m’inscrire. Dans toutes les autres facultés, il y avait une commission des mandats. Dès lors qu’il y avait une commission des mandats quelque part, alors je n’avais rien à y faire, je ne pouvais pas y aller. Voilà, la seule faculté, c’était celle de mécanique, et je m’y suis inscrit, dans les autres je n’avais pas le droit de m’inscrire. (Interviewer : Pourquoi ?) Ce n’était pas possible, non, ce n’était pas possible, c’était impossible, mon frère aussi n’a pu s’inscrire qu’à la faculté de mécanique et de mathématiques. Cette faculté-ci, elle n’était… elle n’était pas pareille, ils n’y faisaient pas de vérifications. Là-bas, il y avait beaucoup de déportés. C’était pareil là où mon frère était. »