Біографії

Irena  AŠMONTAITĖ - GIEDRIENĖ


Irena Ašmontaitė-Giedrienė naît en 1935 à Šiauliai en Lituanie. Son père est mécanicien et sa mère télégraphiste. En 1941, la famille est arrêtée et le père séparé de la famille et emprisonné. La mère enceinte avec les trois enfants sont déportés d’abord dans la région de l’Altaï (où naît un petit frère) et un an plus tard dans l’extrême Nord sibérien, à Trofimovsk près de la mer de Laptev dans l’océan Arctique. Là, la mère tombe malade et les trois enfants sont placés à l’orphelinat. Irena perd presque toute sa famille dans ces contrées glaciales et inhospitalière : d’abord son petit frère, né dans l’Altaï, quelques jours plus tard sa mère, et un mois plus après sa sœur.
Elle est par la suite déplacée dans un orphelinat à Bolun, dans la région de Iakoutsk. Sa grand-mère s’adresse à Polina Jemtchoujina, femme de Molotov, pour obtenir l’autorisation de la ramener en Lituanie. Une première tentative échoue car la personne qui devait se charger du voyage prend l’argent et disparaît, laissant la petite fille à l’aéroport de Iakoutsk. Finalement, en 1946, Irena réussit à rentrer avec d’autres orphelins en Lituanie. Elle s’installe avec sa grand-mère dans sa ville natale où elle fait ses études et devient infirmière.

L'entretien avec Irena Ašmontaitė-Giedrienė a été conduit en 2009 par Jurgita Maciulyte.

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Enfant de glace

En 1941, Irena Ašmontaitė-Giedrienė, son frère et sa sœur sont déportés dans la région de l'Altaï, avec leur mère, qui attendait son quatrième enfant. Un an plus tard, ils sont déplacés dans l’extrême-nord sibérien près du delta de la Léna, pour être «une force de travail faible». Elle se souvient des maladies et des décès dans sa famille :

«C’était l’année 1942. Ma mère est tombée gravement malade, elle travaillait… Je ne sais où… ils ont construit une baraque, elle a commencé à travailler dans l’hôpital qu’ils y ont installé, c’était une unité d’hôpital, quelques chambres. Quand elle est tombée malade, ils l’ont hospitalisée là-bas, car le scorbut, la famine, les maladies avaient commencé. Chaque jour on enterrait 10-12 personnes. Il n’y avait pas de cimetière, il y avait de grandes fosses. Trofimovsk était comme sur une île de glace, ils faisaient des trous dans la glace. On les allongeait tous, les uns après les autres, par centaines, par milliers.

Mon frère a été pris dans une brigade de pêcheurs, il avait 15 ans. Mon petit frère était né dans la région d’Altaï, il n’avait pas encore 1 an. Ils nous ont mis tous les trois dans un hospice pour enfants. C’était une baraque avec un côté pour l’hôpital et l’autre côté pour l’hospice. Nous nous sommes installés dans cet hospice. Peu de temps après, on s’est réveillé un matin et on a trouvé notre petit frère mort. Une éducatrice nous a emmenés voir notre mère. Elle était à l’hôpital, elle ne pouvait pas parler, elle était toute enflée, elle a juste demandé où était Romukas, le petit frère, il n’était pas avec nous. Nous avons dit qu’il était mort. Elle a fermé les yeux, des larmes ont coulé, on nous a fait sortir de là. Trois jours après, l’éducatrice est venue nous dire que notre mère était morte…»

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La vie à l'orphelinat

… on a donné une autorisation pour qu'on me ramène.
Dans ce Baloun, nous vivions sans électricité. Six mois de nuit, totale, polaire. Il y avait un mois de jour continu, le mois de juin. La nuit, des ours blancs se promenaient autour de la maison, farfouillaient … A la place de vitres aux fenêtres on nous installait des plaques de glace, parce que le verre ne supportait pas un froid de -60°C. Nous obtenions de l’eau en faisant fondre de la neige, on ramenait la glace de la rivière à l'hospice d'enfants. S'il fallait préparer un bain ou autre chose, on apportait des morceaux de glace. Une fois par mois, ils préparaient un bain… L'été, il fallait chercher du combustible. Là-bas, rien ne poussait, rien, que des petits buissons, il n'y avait pas d'arbres. Ils descendaient des rondins sur la rivière de la région d’Iakutsk vers l'aval. Les garçons plus grands de l'hospice les sortaient de l’eau, les découpaient sur la berge, et nous les portions sur cette hauteur pour avoir un peu de réserves pour l'hiver. Il n'y avait pas d'électricité, nous étions avec des lampes à huile. Nous allions à l'école, mais si un blizzard se levait, on ne pouvait pas mettre un pied dehors. Il arrivait qu'on installe des cordes de l'hospice jusqu'à l'école. Tu sortais et il semblait que ça allait, mais soudain tu ne voyais plus où aller. En s'agrippant à ces cordes, soit nous arrivions jusqu'à l'école, soit nous rentrions.

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La femme de Molotov l'aide à retourner en Lituanie

« Mon père a écrit une lettre à ma grande mère à Šiauliai que je suis là-bas. Comment il a appris mes coordonnés, je ne sais pas. On lui a dit de s'adresser à la femme de Molotov, Zhemchuzina, pour qu'on me ramène à la maison. Elle est allée chez un avocat, celui-ci lui a écrit une demande qu'elle a envoyée. Zhemchuzina était la supérieure de tous les hospices d'enfants, elle avait un tel poste. Et elle a vraiment contacté le Département d'éducation d’Iakutsk, puis le directeur de notre hospice d'enfants. On a dit que je pouvais rentrer à la maison…»

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La famille d'Irena Ašmontaitė-Giedrenė - de sa vie avant la déportation à son exil et au camp

 

Ces photos nous font passer d'Irena Ašmontaitė-Giedrenė qui vient de naître (elle a un an sur la première photo), au milieu de sa famille, sa mère, son père, son frère et sa soeur (ici en 1938), à l'après déportation. Sa mère est décédé, son père est dans un camp. Elle a conservé trois photos de celui-ci, ici présentée. La première est prise en 1938, trois ans avant son arrestation et envoi dans un camp du Goulag, les autres membres de sa famille étant déportés au même moment. Les deux suivantes sont prises alors qu'il a survécu aux années de guerre, en 1947 et 1950. Le contraste entre les 3 photos suffisent à montrer la violence de ce qu'il a alors vécu.

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La libération d'Irena Ašmontaitė

Le père d'Irena Ašmontaitė, prisonnier dans un camp, réussit à obtenir des informations sur sa fille au début de l’année 1946 après avoir demandé à sa grand-mère d’envoyer une requête à Žemčužina, la femme de Molotov, recours fréquent pour ceux qui vivaient de telle situation. Irena, comme orpheline, est libérée, en 1946, comme l’atteste les documents qu’elle a conservé jusqu’alors, dont deux lettres de Žemčužina . Après une première tentative de retour infructueuse [], elle revient, très probablement dans un groupe d'orphelin dont les autorités lituaniennes avaient obtenu la libération. Ce groupe est mené par un certain Jonas Bulota, qui est envoyé par ces autorités en Iakoutie pour ramener quelques dizaines d'orphelins ou d'enfants n'ayant pas de nouvelles de leurs parents, âgés de 7 à 20 ans.