Біографії

Antanas  SEIKALIS


Antanas Seikalis naît, en 1933, dans une ville du nord-est de la Lituanie, d’une famille de commerçants. Son père est propriétaire d’un atelier de chaussures. Avec son frère, il soutient et aide les résistants lituaniens, «les frères des bois», qui continuent à se battre contre l’armée Rouge longtemps après la fin de la guerre. En 1950, il est dénoncé, arrêté avec son frère et, à la suite d’interrogatoires musclés, condamné à dix ans de travaux forcés. Il les purge dans différents camps de L’Archipel du Goulag, jusqu’au Steplag du Kazakhstan, où il apprend la mort de son frère, lors de la grande révolte du camp de Kengir, l’été 1954.
Amnistié en 1955, après la mort de Staline, il peut rentrer en Lituanie, mais son étiquette de nationaliste pèse longtemps et rend difficile sa réinsertion. C’est seulement à partir de 1990, avec la fin du régime, qu’il «commence à vivre».
Quand il a accès à son dossier dans les archives du KGB de Vilnius, il découvre que celle qui a causé sa perte était son amoureuse de l’époque, «Une fois en nous embrassant, elle avait senti un pistolet dans ma poche… et voilà comment mes activités furent découvertes par la police politique et ma vie brisée. Elle était si jolie, on était si amoureux… quelle tristesse».

L'entretien avec Antanas Seikalis a été conduit en 2009 par Marta Craveri et Jurgita Mačiulytė.

PDF (72.84 КБ) See MEDIA
Fermer

L'élimination des espions dans les camps

Fermer

Les différentes nationalités dans les camps (VO)

«Le contingent le plus important était constitué par les Ukrainiens, puis par les Russes, parfois c’était les Lituaniens qui occupaient la seconde place. Puis il y avait des Biélorusses, des ex-prisonniers de guerre, des Français, qui sont presque tous morts, des Allemands, des Japonais et ainsi de suite ! Il y avait même des Indiens, des Américains, des Anglais et des Turcs ! Il y avait tellement de nationalités que j’ai même constitué une liste. Il y avait les Juifs, en nombre très important, des célébrités, parmi lesquels de nombreux spécialistes en tout genre.

Disons que j’étais dans un camp pour prisonniers politiques où les gens ne se bagarraient pas. Vous savez, dans ce camp, si j’avais perdu 3-4 kilos d’or, celui qui les aurait trouvés me les aurait rendus. La vie quotidienne n’était pas si difficile,  mais ça l’était moralement.»

Fermer

Les différentes nationalités dans les camps (VF)

Fermer

Sur l’élimination des espions dans les camps (VO)

 

«Il y a eu des cas, bien entendu, très rares, mais il y en a eu. C’était surtout en 1950-1951 quand on a commencé à tuer les informateurs dans les camps. Un informateur ne pouvait être tué que par quelqu’un de sa nationalité. Si un Ukrainien informait la direction du camp sur moi ce n’était pas à moi de le tuer. J’allais voir les Ukrainiens et les Ukrainiens décidaient de son sort. Il lui donnait un premier avertissement, puis un second et si cela ne suffisait pas, c’en était fini avec lui. Mais, soi-même, on n’avait pas le droit de l’exécuter.

Très souvent j’ai été transféré d’un camp à un autre ; en Mordovie il y avait un camp de transfert où on a rassemblé de nombreux camps. Il y a eu des cas de vengeance parce que les gens ne se connaissaient pas personnellement. C’était en 1951-1952. Je sais qu’un médecin a été tué à cette époque, un médecin russe, mais personne n’a su qui l’a tué. Il a été pratiquement tué en ma présence. Les médecins avaient le droit d’accorder des dispenses de travail. Je pense qu’il n’avait pas voulu accorder une dispense à l’un ou à l’autre. Il n’a donc pas été tué pour des raisons politiques, mais par vengeance personnelle, si vous voulez. En même temps, je peux vous dire qu’il y avait plus de crimes dans le monde extérieur qu’à l’intérieur de ce monde.»

 

Fermer

L'élimination des espions dans les camps (VF)

«Il y a eu des cas, bien entendu, très rares, mais il y en a eu. C’était surtout en 1950-1951 quand on a commencé à tuer les informateurs dans les camps. Un informateur ne pouvait être tué que par quelqu’un de sa nationalité. Si un Ukrainien informait la direction du camp sur moi ce n’était pas à moi de le tuer. J’allais voir les Ukrainiens et les Ukrainiens décidaient de son sort. Il lui donnait un premier avertissement, puis un second et si cela ne suffisait pas, c’en était fini avec lui. Mais, soi-même, on n’avait pas le droit de l’exécuter.

Très souvent j’ai été transféré d’un camp à un autre ; en Mordovie il y avait un camp de transfert où on a rassemblé de nombreux camps. Il y a eu des cas de vengeance parce que les gens ne se connaissaient pas personnellement. C’était en 1951-1952. Je sais qu’un médecin a été tué à cette époque, un médecin russe, mais personne n’a su qui l’a tué. Il a été pratiquement tué en ma présence. Les médecins avaient le droit d’accorder des dispenses de travail. Je pense qu’il n’avait pas voulu accorder une dispense à l’un ou à l’autre. Il n’a donc pas été tué pour des raisons politiques, mais par vengeance personnelle, si vous voulez. En même temps, je peux vous dire qu’il y avait plus de crimes dans le monde extérieur qu’à l’intérieur de ce monde.»

Fermer

Le camp, le jour de la mort de Staline (VO)

«Le jour de l’enterrement de Staline, on ne nous a pas conduits travailler. On nous a tous rassemblés sur la place centrale du camp et à midi pile on nous a ordonné d’enlever les chapeaux. Il faisait encore froid.

Et au milieu de nous il y avait des Polonais. Ils étaient cachés par d’autres détenus. Ils ont enlevé leurs chapeaux et ont commencé à les envoyer en l’air. Mais ils ne savaient pas qu’il y avait un capitaine du KGB qui surveillait tout le monde du mirador. Il a vu ce qui s’était passé mais il ne savait pas qui c’était.

Pendant très longtemps personne n’a été puni. Mais quinze jours plus tard, ils nous ont interrogés un par un. Personne n’a donné les Polonais. En tout cas on a bien ri, quand ils ont commencé à lancer leurs chapeaux en l’air, pour célébrer l’événement. Je me souviendrai de l’enterrement de Staline ! Ce sont de bons souvenirs, somme toute.»

Fermer

Le camp, le jour de la mort de Staline (VF)

«Le jour de l’enterrement de Staline, on ne nous a pas conduits travailler. On nous a tous rassemblés sur la place centrale du camp et à midi pile on nous a ordonné d’enlever les chapeaux. Il faisait encore froid.

Et au milieu de nous il y avait des Polonais. Ils étaient cachés par d’autres détenus. Ils ont enlevé leurs chapeaux et ont commencé à les envoyer en l’air. Mais ils ne savaient pas qu’il y avait un capitaine du KGB qui surveillait tout le monde du mirador. Il a vu ce qui s’était passé mais il ne savait pas qui c’était.

Pendant très longtemps personne n’a été puni. Mais quinze jours plus tard, ils nous ont interrogés un par un. Personne n’a donné les Polonais. En tout cas on a bien ri, quand ils ont commencé à lancer leurs chapeaux en l’air, pour célébrer l’événement. Je me souviendrai de l’enterrement de Staline ! Ce sont de bons souvenirs, somme toute.»

Fermer

Ses difficultés au retour (VO)

«J’ai beaucoup souffert avant de réussir à me caser. Je n’avais pas de propiska, le permis de résidence, vous savez, à ce moment-là il en fallait un, sans ce permis on ne pouvait pas vivre. Pendant une année entière, j’ai vécu dans des toilettes ! Elles ne fonctionnaient plus comme toilettes, naturellement ! Mais mon lit pliant était là et ma table aussi ! Et il fallait même payer un loyer pour ces toilettes ! J’étais renvoyé d’un travail à l’autre, je travaillais deux mois, un mois, et quand le KGB l'apprenait, il ordonnait  que je sois viré. Surtout il était important que je ne travaille pas avec les jeunes, ils disaient "virez ce sale type " !»

Fermer

Ses difficultés au retour (VF)

Fermer

Vie en déportation

Depuis l’indépendance de la Lituanie, Antanas Seikalis a consacré une grande partie de son temps à recueillir des documents et des photos sur la révolte de Kengir, dans le Steplag du Kazakhstan. Le premier jour de la révolte, en mai 1954, suite à la réaction démesurée des gardes qui ouvrirent le feu sur les prisonniers, son frère Pavilas trouva la mort.
Il a participé à plusieurs conférences sur la résistance des prisonniers au goulag, s’est rendu maintes fois sur les lieux de la révolte et a réussi, avec d’autres, à y faire ériger une croix en mémoire des victimes.