BioGraphie
Estera MIGDALSKA
Estera Migdalska naît à Varsovie en 1930. Elle n'a pas connu la déportation, mais plusieurs membres de sa famille en ont été victimes. Sa famille était attachée à la culture juive laïque.
Avant la guerre, Estera a été scolarisée dans une école communautaire liée au Bund. Dès le début du conflit armé, Estera Midalska et son père se réfugient à Pinsk – ville d’origine de sa mère. Celle-ci et la petite sœur d’Estera restent à Varsovie espérant la fin proche de la guerre. Toutes les deux périront dans le ghetto pendant l’occupation nazie.
Confronté au dilemme d’accepter ou non la citoyenneté soviétique, le père d’Estera se décide à prendre le passeport soviétique. Ils échappent ainsi à la déportation, risque dont il était conscient, car la question a été débattue au sein de la famille. Les pressions internes se ressentaient : l’acceptation équivalait pour certains membres de la famille à une trahison nationale. À cet égard, les stratégies adoptées par différents membres de la famille divergent. Deux frères et un cousin du père, vivant à Łuck, ont refusé la citoyenneté soviétique et ont été déportés.
Fuyant l’avancée des Allemands, Estera et son père se retrouvent en URSS. Dans la région de Saratov, son père est mobilisé pour travailler dans les unités suppléantes de l’armée et Estera perd tout contact avec lui. Elle apprendra plus tard qu’il est mort sous un bombardement. Pendant un an, elle est livrée à elle-même, déscolarisée, cherchant à gagner sa vie, notamment en gardant des enfants. Remarquée par une responsable des services sanitaires, Estera est placée en 1943 dans un orphelinat soviétique. Dès 1944, elle reprend les études à l’école. Elle bénéficie de l’aide des évacués polonais et ukrainiens (d’origine juive) qui l’aident à rentrer dans la région de Khmelnicki en Ukraine.
En 1946 alors qu’elle vient d’avoir 16 ans et est devenue de ce fait citoyenne soviétique, elle est retrouvée par son oncle. Celui-ci avait été déporté dans la région de Novossibirsk suite à son refus de prendre la citoyenneté soviétique. Au cours de la guerre, il avait souhaité rejoindre l’armée d’Anders, souhait rendu impossible par la perte des siens. Plus tard, il s’était engagé dans l’armée formée à Sielce, avait participé à la bataille de Lenino et était rentré finalement à Varsovie. Dans l’après-guerre, devenu employé du Ministère de la Défense, il obtient le retour d’Estera en Pologne en 1947 grâce à un accord gouvernemental de rapatriement tardif d’enfants.
Accueillie dans un premier temps par son oncle et sa nouvelle épouse rencontrée en déportation (sa première femme a péri dans la Shoah), Estera bénéficie ensuite de l’hébergement proposé aux orphelins juifs par une association communautaire. La famille d’Estera a connu non seulement la déportation, la Shoah et le retour en Pologne, mais aussi l’émigration en Israël (sa tante en 1945 et son oncle en 1968). En 1968, Estera ressent tant l’antisémitisme ambiant, la propagande antisioniste et son parcours est marqué par le départ de son oncle. Ingénieur de formation, elle a été contrainte de démissionner et n’a pu retrouver le travail qu’en 1971.
L’entretien avec Estera Migdalska a été conduit en 2010 par Agnieszka Niewiedzial.