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BioGraphie

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Juozas  MILIAUSKAS


Juozas Miliauskas naît en 1934 dans la région de Kaunas, en Lituanie. Il vit à la campagne avec ses parents. Son père est ouvrier, sa mère ne travaille pas.

À partir de 1947, la famille sent la menace de l’arrestation. Un frère de son père a rejoint les «frères des forêts». À plusieurs reprises, ils se cachent alors, chez des voisins, des amis, en 1947 et en 1948. Mais le 17 mars 1949 quatre soldats du NKVD, parlant entre eux lituanien, viennent les prendre. Ils sont transportés dans une charrette jusqu’à la gare, puis enfermés dans un wagon de marchandises. Ils ont juste pris avec eux un demi-sac de farine.

Le train les conduit dans la région d’Irkoutsk. De là, ils sont transportés en camion, puis, en traîneau tracté, à Tchitchek, au bout de nulle part. Là, ils exploitent la terre, sont rémunérés en troudodni par le kolkhoze. Ses parents pointent une fois par mois, auprès du commandant. Les voisins les aident, avec quelques pommes de terre ou tout autre chose précieuse. Ils parlent lituanien entre eux, mais Juozas apprend le russe avec les jeunes.

Il abandonne le travail à la pelle pour devenir tractoriste, puis chauffeur, ce qui rend sa situation plus aisée.

En 1956 il est libéré de son statut de déporté spécial, et en 1957, il rentre avec ses parents en Lituanie. Mais il est déjà Sibérien. «Il n’y avait nulle part où vivre», «On n’était plus des leurs.» Au bout de six mois, il décide de retourner d’où il venait, en Sibérie, et reprend ses activités agricoles, puis se déplace à Bratsk, un ancien village devenu une ville industrielle. Il y réside encore aujourd’hui.

L'entretien avec Juozas Miliauskas a été conduit en 2009 par Emilia Koustova et Larissa Salakhova.

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Juozas Miliautskas

Biographie plus détaillée de Juozas Miliautskas

Juozas Miliautskas naît en 1934 à Vyčius, dans la région de Kaunas. Cette ville était alors la capitale d’une Lituanie indépendante depuis une quinzaine d’années. Il vivait à la campagne avec ses parents, son père était ouvrier, sa mère ne travaillait pas. Il a donc vu passer la guerre dans son village. Son frère aîné est tué au front, alors qu'il est dans l’armée Rouge. Il se souvient des incessants bombardements près de sa maison. Il se souvient aussi quand les Juifs furent emmenés par les Allemands pour travailler dans les forêts. Quand ils furent transportés par camion à Kaunas, où ils furent fusillés dans des tranchées. Et quand ceux qui avaient creusé les tranchées furent, à leur tour, fusillés dans la forêt et brûlés.

Dès 1947, la famille sent la menace de l’arrestation. Un frère de son père a rejoint les «frères des bois», ces Lituaniens entrés en résistance contre les Soviétiques. La famille se cache alors, chez des voisins, des amis, à plusieurs reprises en 1947 et en 1948. C'est finalement le 17 mars 1949 que quatre soldats du NKVD, qui parlaient lituanien entre eux, arrivent. Un Lituanien présente un ordre d’arrestation. Son père est frappé et blessé. Ils sont transportés dans une charette jusqu’à la gare, après avoir pris avec eux un demi-seau de farine. Là, ils sont enfermés dans un wagon de marchandises, lui, ses parents et son frère cadet. Ils y retrouvent vingt familles, sur des châlits, avec un poêle, un peu de charbon pour le voyage, de l’eau chaude prise aux divers arrêts et un poisson salé pour tous. 

Le train les conduit dans la région d’Irkoutsk, où des voitures arrivent de partout pour les disperser. De là, ils sont emmenés en camion jusqu’au village de Jigalovo, puis, en traîneau tracté, ils sont conduits à Tchitchek, 16 km plus loin, au bout de nulle part. Ils exploitent la terre, sont rémunérés en trudodni par le kolkhoze. Ses parents pointent une fois par mois, auprès du commandant. Ils vivent dans une maison de paysans qui, quelques années auparavant, ont été réprimés et arrêtés comme koulaks. Les voisins les aident, avec quelques pommes de terre ou tout autre aide précieuse. Ils continuent à parler lituanien entre eux, mais Iozas apprend le russe avec les jeunes et va à l’école. 

Iozas abandonne le travail manuel pour devenir tractoriste, puis chauffeur, une étape importante dans sa vie qui le dégage des travaux difficiles de la terre et le place dans une situation plus aisée.

En 1956, il est libéré de son statut de déporté spécial, et en 1957, il rentre avec ses parents en Lituanie. Mais il est déjà Sibérien. «Il n’y avait nulle part où vivre», «On n’était plus des leurs.» Au bout de six mois, il décide de retourner d’où il venait en Sibérie et reprend ses activités agricoles.

En 1970, il se déplace à Bratsk, un village transformé à toute vitesse en ville industrielle, dynamisée par la construction d’une immense centrale hydro-électrique qui fera la fierté de l’Union soviétique et où vinrent, pour la construire, des milliers de Soviétiques. Il y réside encore aujourd’hui.

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Il était bien ce pouvoir, il était bien...

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La déportation - le transport

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La déportation - le voyage

Ils ont abattu le bétail, emporté la vache.
On a eu un demi-sac de farine.
Ils nous ont amenés en charrette à la gare.
Ils nous ont mis dans un wagon de marchandises.
On était 20 familles.
On dormait sur et sous les châlits.
Il y avait un petit poêle.
Une personne sortait, aux arrêts, pour chercher de l’eau bouillante.
Une fois par jour, ils nous jetaient un poisson salé à partager entre tous.
Ils nous ont amenés à Irkoutsk et ont déchargé les wagons. C’était en avril.
De là, ils nous ont répartis partout dans la région.
C’est comme ça qu’on s’est retrouvé à Jigalovo.

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Ils nous ont déchargés des wagons (VO - russe)

«Ils nous ont amenés à Irkoutsk et ils nous ont déchargés des wagons. C’était en avril. De là, ils nous ont envoyés partout dans les campagnes de la région. C’est comme ça qu’on s’est retrouvé à Jigalovo.
On nous a réparti dans des maisons vides, sans portes ni fenêtres. On a d’abord bouché les trous avec du papier. Ensuite avec l’hiver, par la force des choses, on a essayé de s’installer un peu mieux. Et puis…on a fini par s’habituer à cette vie.
Ils nous ont d’abord forcés à aller bêcher les champs. Vous savez il n’y avait pas de tracteurs après la guerre. De toute façon il fallait qu’on remplisse notre quota journalier de travail.»

 

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Ils nous ont déchargés des wagons (VE)

«Ils nous ont amenés à Irkoutsk et ils nous ont déchargés des wagons. C’était en avril. De là, ils nous ont envoyés partout dans les campagnes de la région. C’est comme ça qu’on s’est retrouvé à Jigalovo.
On nous a réparti dans des maisons vides, sans portes ni fenêtres. On a d’abord bouché les trous avec du papier. Ensuite avec l’hiver, par la force des choses, on a essayé de s’installer un peu mieux. Et puis…on a fini par s’habituer à cette vie.
Ils nous ont d’abord forcés à aller bêcher les champs. Vous savez il n’y avait pas de tracteurs après la guerre. De toute façon il fallait qu’on remplisse notre quota journalier de travail.»

 

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Gagner sa vie (les troudodni) (VO - russe)

«Disons que tu fasses tes cinq jours… après, tu vas chez le magasinier. Tu arrives avec ton petit sac en toile… pour cinq journées de travail tu as droit à 200 g de farine d’avoine. Le magasinier te dit : “pour cinq jours voilà ton quota. Tiens, c’est pour toi.” Il te met deux pelles de farine sur la balance. Et c’était comme ça tous les cinq jours.  
Je rentrais chez moi avec cette avoine moulue. Il y avait du son dedans. Maman le tamisait et faisait bouillir le son. Elle en faisait une boisson. C’était bon… j’aimais beaucoup ! Les betteraves et les pommes de terre, elles les mélangeaient et en faisait des galettes. C’était ça notre pain.»

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Gagner sa vie (les troudodni) (VE)

«Disons que tu fasses tes cinq jours… après, tu vas chez le magasinier. Tu arrives avec ton petit sac en toile… pour cinq journées de travail tu as droit à 200 g de farine d’avoine. Le magasinier te dit : “pour cinq jours voilà ton quota. Tiens, c’est pour toi.” Il te met deux pelles de farine sur la balance. Et c’était comme ça tous les cinq jours.  
Je rentrais chez moi avec cette avoine moulue. Il y avait du son dedans. Maman le tamisait et faisait bouillir le son. Elle en faisait une boisson. C’était bon… j’aimais beaucoup ! Les betteraves et les pommes de terre, elles les mélangeaient et en faisait des galettes. C’était ça notre pain.»

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Là, on a commencé à vivre (VO - russe)

«Deux ans plus tard, nous avons eu 70 kg de blé. Pour toute l’année ! A l’époque, on était payé 10 kopeks pour une journée de travail.
Quand je suis devenu tractoriste, et chauffeur de moissonneuse-batteuse nous avons commencé à gagner huit, dix quintaux de blé. Puis une tonne, une tonne et demie ! On a alors pu avoir du bétail, des cochons, des vaches, des oies. On avait notre propre moulin et on pouvait moudre notre farine. Là, on a commencé à vivre. Et on a alors pu peindre les sols…»

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Là, on a commencé à vivre (VE)

«Deux ans plus tard, nous avons eu 70 kg de blé. Pour toute l’année ! A l’époque, on était payé 10 kopeks pour une journée de travail.
Quand je suis devenu tractoriste, et chauffeur de moissonneuse-batteuse nous avons commencé à gagner huit, dix quintaux de blé. Puis une tonne, une tonne et demie ! On a alors pu avoir du bétail, des cochons, des vaches, des oies. On avait notre propre moulin et on pouvait moudre notre farine. Là, on a commencé à vivre. Et on a alors pu peindre les sols…»

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Tractoriste! (VO - russe)

«Moi, je travaillais dans les tracteurs et mon frère, il était chez le comptable de notre équipe. J’avais à peu près 19 ans. A cette époque-là, tous les tracteurs dépendaient de la station locale des machines agricoles. Les gens s’exclamaient : “Un tractoriste !” Et ils s’arrêtaient pour nous regarder. Faut dire que c’est pas pareil que de bêcher à la pelle !»

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Tractoriste! (VE)

«Moi, je travaillais dans les tracteurs et mon frère, il était chez le comptable de notre équipe. J’avais à peu près 19 ans. A cette époque-là, tous les tracteurs dépendaient de la station locale des machines agricoles. Les gens s’exclamaient : “Un tractoriste !” Et ils s’arrêtaient pour nous regarder. Faut dire que c’est pas pareil que de bêcher à la pelle !»

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Chauffeur - le progrès technique (VO - russe)

«Mon frère, il a fait son école ici. Il était très bon élève. Il a ensuite travaillé sur la remorque du tracteur. C’est seulement lorsqu’il est rentré en Lituanie qu’il a pu conduire le tracteur.
Après, il y a eu des diesels… Après la guerre, il y avait des tracteurs NATIK, avec des cabines en fer ! Ah ces fameux tracteurs diesels, INCROYABLE…
Moi, je les ai conduits, ces tracteurs, et aussi les moissonneuses-batteuses ! J’étais chauffeur ! J’ai même fait venir des moissonneuses-batteuses depuis Irkoutsk. Ça faisait 500 km de route. Il fallait passer en surplomb du fleuve, sur les rochers ! Les moissonneuses-batteuses se renversaient souvent. Mais moi, ça s’est toujours bien passé !»

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Chauffeur - le progrès technique (VE)

«Mon frère, il a fait son école ici. Il était très bon élève. Il a ensuite travaillé sur la remorque du tracteur. C’est seulement lorsqu’il est rentré en Lituanie qu’il a pu conduire le tracteur.
Après, il y a eu des diesels… Après la guerre, il y avait des tracteurs NATIK, avec des cabines en fer ! Ah ces fameux tracteurs diesels, INCROYABLE…
Moi, je les ai conduits, ces tracteurs, et aussi les moissonneuses-batteuses ! J’étais chauffeur ! J’ai même fait venir des moissonneuses-batteuses depuis Irkoutsk. Ça faisait 500 km de route. Il fallait passer au-dessus du fleuve, sur les rochers ! Les moissonneuses-batteuses se renversaient souvent. Mais moi, ça s’est toujours bien passé !»