Біографії

Vitas  BATURAITIS


Vitas Baturaitis naît en 1936 dans le village Kažliškiai en Lituanie. Vitas, sa mère, sa sœur et son père, mécanicien agricole, originaire de la région de Minsk, sont déportés en 1946. Auparavant, son frère né en 1922 avait été arrêté pour avoir aidé les résistants à la soviétisation et emprisonné dans un camp à Magadan. Les membres de sa famille ont expliqué leur déportation par cette déportation. Dans les années 2000, Vitas a cependant appris qu'elle s’était produite suite à la dénonciation d’un proche.

Ils ont été relégués dans le district de Jigalovo (région d'Irkoutsk). À l’arrivée, ils ont partagé une petite maison avec une autre famille. Ils essaient de fuir en 1948, mais cette tentative échoue. Le père de Vitas exerce le travail de chef de brigade, de menuisier, puis de mécanicien. Grâce à son labeur, la famille Baturaitis achète une maison. Des liens de solidarité et d’entraide se développent. Les relégués se rassemblent durant différentes fêtes. Vitas nouent des relations de proximité avec d'autres enfants, lituaniens, ukrainiens ou russes. Tous les relégués se considéraient comme des koulaks réprimés.

Son père est décédé en déportation. Libéré et réhabilité en 1958, Vitas Baturaitis n’a pas pu repartir en Lituanie faute de ressources et de logement à l'arrivée. D’autres Lituaniens partaient et il faisait partie de ceux qui organisaient des festivités pour marquer leur départ. La sœur de Vitas Baturaitis s’est installée à Vilnius. Son frère, libéré la même année du camp de Magadan, est rentré en Lituanie. Quant à Vitas, il est resté et a commencé à travailler en tant que tractoriste dans le village de Kachen. Il n’a pu poursuivre ses études que dans les années 1960 et a suivi les cours du soir, puis une école technique à Irkoutsk. En 1960, il a déménagé à Bratsk pour contribuer à la construction de la centrale hydro-électrique. Dans la première moitié des années 1960, il s’est rendu en Lituanie, puis a cherché à y rentrer, mais la maison familiale ne leur a pas été restituée.

L'entretien avec Vitas Baturaitis a été conduit en 2009 par Emilia Koustova et Larissa Salakhova.

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Les envahisseurs

Traduction de la retranscription:

Vous avez dit que les Russes sont arrivés et qu’ils se sont mis à piller...

Ils ont commis des vols.

Qu’est-ce qu’ils ont volé ?

Eh bien, tout ce qui pouvait l’être. On avait notre propre moulin. Et dedans, il y avait des céréales et de la farine. Pendant la nuit, ils ont forcé la serrure et ils ont tout emporté.

Ils étaient affamés ?

Eh bien, oui, comme tous les Russes.

Et est-ce qu’ils étaient punis pour avoir fait ça ?

Non, qui les aurait punis ?

Leurs commandants ?

Oh, vous savez… les commandants commettaient eux-mêmes des vols.

Et ils n’ont pas maltraité de jeunes femmes ?

Non. Chez nous, les Allemands ont dirigé jusqu’en 1945, ils nous ont dominés pendant 4 ans. Mais il n’y avait aucun Allemand dans le village, seulement dans le district. Mon frère avait déjà rejoint leurs rangs, ils ont pu le prendre dans l’armée, mais là le milicien qui travaillait pour les allemands était quelqu’un de gentil. Quand il arrivait d’un côté du village, il se mettait à tirer pour qu’on ait le temps de se sauver. Vu qu’ils ne trouvaient personne chez soi, personne ne se faisait embarquer.

Est-ce que quelqu’un vous a prévenu que les agents du NKVD allaient vous arrêter ?

Non, qui aurait pu faire ça ?

Et les Lituaniens qui sont venus vous chercher pendant la nuit, vous les connaissiez ?

J’en connaissais un.

Il était de votre village ?

Oui. Ah non, d’un village voisin, je le connaissais bien.

Qui est-ce que c’était ? Pourquoi est-ce qu’il faisait ça ?

Il est allé servir dans leurs rangs. J’ai entendu dire que son père faisait de l’alcool de contrebande et qu’ils l’ont attrapé, et donc le fils a dû aller travailler pour le NKVD.

Peut-être qu’il n’en avait pas envie lui-même, qu’ils l’ont forcé. Est-ce qu’il était jeune ?

Oui. Il était jeune. Voilà comment on vivait…

Après que les Russes sont arrivés, est-ce qu’ils ont emmené les collabos du village ?

Ils les ont fait travailler pour eux.

Ils les ont fait travailler dans votre coin ?

Bien sûr.

Et celui dont vous avez parlé, c’était quelqu’un de compréhensif, non ?

C’était un type bien, et il travaillait déjà pour le régime nazi en Lituanie avant la guerre et sous l’occupation allemande.

Mais c’était dangereux de vous prévenir, on aurait pu le dénoncer. Ça ne lui faisait pas peur ?

Non.

Qu’est-ce qu’il lui est arrivé quand les Russes sont arrivés ?

Je ne sais pas trop, on ne se connaissait pas vraiment.

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Fatigué de se cacher

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Arrestations et pillage du bétail

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Premiers mois à Katchen

Traduction de la retranscription:

Quand on vous a amenés à Katchen, où a-t-on logé les déportés?

Ici et là. Là-bas il y avait des maisons vides donc certains y allaient, et d’autres allaient dans des appartements où vivaient déjà des travailleurs du kolkhoze.

Et où vous a-t-on logés, vous et votre père?

On nous a attribué une maison pour deux familles, toute petite certes, mais on y vivait à deux familles.

Il n’y avait qu’une seule pièce?

Oui, avec une cuisine. Ensuite, un ou deux ans plus tard, on a acheté une maison avec mon père. Elle était grande.

Comment avez-vous réussi à l’acheter? Où avez-vous trouvé l’argent?

Mon père travaillait comme machiniste là où ils battaient le grain, c’était l’entreprise MTS. Il était payé avec des céréales et un peu d’argent, donc on l’a achetée avec ça.

Donc ce qu’il savait déjà faire lui a servi?

Oui.

Vous êtes arrivés au printemps et il est directement allé travailler comme machiniste, l’été qui a suivi ? Ou bien c’était après&?

Pas vraiment. On nous a amenés au printemps, et c’est en automne qu’il a eu ce travail.

Et comment a-t-il obtenu ce travail ? Il a dit lui-même qu’il savait faire ça?

Oui.

Et cet été-là, où est-ce que vous avez travaillé?

Lui, il a un peu travaillé comme contremaître, charpentier. Et moi, je n’avais pas de travail, vu l’âge que j’avais.

Qu’est-ce que vous avez fait vous alors, cet été-là?

J’allais à la pêche.

Tout seul ou avec les autres enfants?

Tout seul et avec les autres enfants.

Qui étaient ces enfants? C’étaient des Lituaniens, des Russes?

Oui, c’étaient des enfants d’un peu partout.

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Son frère et sa soeur

Traduction de la retranscription:

Au fait, votre frère a été envoyé dans la région de Magadan, quand est-ce qu’il a été libéré ?

Il a été libéré en 1958 lui aussi.

Et il est rentré en Lituanie ?

Oui.

Et il n’est pas passé vous voir ?

Non.

Il est rentré directement ?

Oui. Bon, vous savez, le train à l’époque… Je ne sais pas comment il a fait pour rentrer, peut-être en bateau.

Il vous écrivait et vous lui écriviez quand il vivait à Magadan ?

Oui.

Qu’est-ce qu’il racontait ? Que la vie était difficile ?

Bien sûr. Ensuite, les derniers temps, c’était devenu plus simple à vivre.

Vous n’avez pas gardé les lettres ? De votre mère et de votre sœur, de votre frère ? Vous ne les avez pas prises avec vous à Bratsk ?

Non, je ne les ai pas gardées. Il y en avait quelque part chez ma sœur, mais je ne sais pas vraiment ce qu’on en a fait.

Peut-être que vous les chercherez tranquillement quand on partira ?

Je ne sais pas, Dieu sait où elles sont.

Votre frère est rentré en Lituanie ? Il a monté une exploitation agricole ou il vivait en ville ?

Il vivait dans une petite ville, Mariampolé, il s’est construit une maison et il y habitait avec sa famille.

Il s’est marié en Lituanie ?

Oui.

Dans quelle langue votre sœur vous écrivait-elle ? En lituanien ?

Oui, en lituanien.

Donc vous répondiez aussi en lituanien ?

Oui.

Et votre frère en quelle langue ? En lituanien aussi ?

Oui, en lituanien aussi.

Donc ils pouvaient envoyer des lettres en lituanien dans ce camp ?

Oui, c’est exact.

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Fuir pour échapper à la déportation