Біографії

Eela  LÕHMUS


Avant de se réinstaller dans une modeste maison en bois dans le minuscule village de Keeni, à 66 kilomètres de Tartu, Eela Lõhmus, née en 1929, a connu un long périple, terrible et passionnant. Son père est arrêté en 1945 dans le cadre des campagnes d’épuration d’après-guerre. Sa mère et elle, parents d’un « ennemi du peuple », connaissent alors des années difficiles.

Elles sont exilées en 1949, lors des grandes déportations parachevant les vagues de répression dans les républiques baltes. Sans perdre l’entrain qui la caractérise, Eela – ainsi que d’autres jeunes colons spéciaux - compose en Sibérie des poèmes en estonien, et correspond avec des proches demeurés en Estonie. Ces activités, suspectes aux yeux des autorités soviétiques, valent cette fois-ci à Eela un procès et une condamnation pour activité contre-révolutionnaire. Elle accomplit divers travaux, essentiellement forestiers, dans les camps de la Kolyma. Elle y rencontre son époux et reste vivre à Magadan, même après sa libération qui intervient en 1956. Mais sa santé fragile, et la séparation d’avec son mari, l’incitent à rentrer définitivement en Estonie en 1964.

L’extrême dureté des différentes formes de détention connus par Eela – colonie spéciale, prison, camps – la brutalité des travaux forcés, puis l’instabilité de sa réinstallation en Estonie n’ont pourtant jamais entamé sa détermination et sa joie de vivre.

L'entretien avec Eela Lõhmus a été conduit en 2010 par Aigi Rahi-Tamm et Juliette Denis.

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1944 en Estonie

En 1944, Eela et sa famille sont prises dans les combats entre les forces allemandes et l'Armée rouge. Durant leur retraite, les Allemands enjoignent à la population locale d'évacuer, alors que les soldats russes approchaient. Eela et ses proches fuient, traversant rivière et forêts sous les bombardements soviétiques, entre les chars allemands.

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Après l'arrestation du père d'Eela

Le père d'Eela est arrêté durant la campagne d'épuration en 1945. Suite à cet événement, Eela est renvoyée de l'école, et sa famille traverse de grandes difficultés pour trouver un emploi et subvenir à ses besoins.

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Le trajet vers la Sibérie - Le trajet

En 1949, Eela et sa famille sont déportées. Le trajetvers la Sibérie est particulièrement éprouvant. Eela se remémore la première nuit passée dans le train, un nourrisson et un vieil homme décèdent dans le wagon.

Les quinze jours de voyage sont marqués par l'absence de nourriture et le manque d'hygiène.

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Le trajet vers la Sibérie - La première nuit

En 1949, Eela et sa famille sont déportées. Le trajetvers la Sibérie est particulièrement éprouvant. Eela se remémore la première nuit passée dans le train, un nourrisson et un vieil homme décèdent dans le wagon.

Les quinze jours de voyage sont marqués par l'absence de nourriture et le manque d'hygiène.

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L'arrestation d'Eela

Alors qu'elle était exilée en Sibérie, Eela est arrêtée et emprisonnée pour activités contre-révolutionnaires. Elle décrit le quotidien de l'internement, les interrogatoires.

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Hommes et femmes au camp

Eela évoque les relations hommes-femmes dans les camps, avant et pendant la libération.

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Les amies d'Eela

Eela se lie d'amitié avec quatre jeunes filles russes, qui se rassemblent pour chanter.

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Après la mort de Staline

Eela apprend la mort de Staline au camp, à la Kolyma.

Elle raconte comment, après cet événement, les numéros cousus sur les vêtements des prisonniers sont retirés.

 

 

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Exil sibérien, travaux forcés à Magadan

L'originalité de la biographie d'Eela Lõhmus réside sa double expérience de la répression stalinienne : elle a d'abord connu quelques mois d'exil sibérien en tant que "colon spécial", avant d'être jugée et condamnée à une peine de travaux forcés pour activités contre-révolutionnaires. Elle a conservé de ces années de déportation et de camps plusieurs photographies, donnant à voir l'environnement sibérien puis les travaux accomplis dans la Kolyma. Du village sibérien, en 1950, ressortent les figures de sa mère, particulièrement affectée par son nouveau mode de vie, et du logement, la "zemljanka", habitat sous-terrain de fortune répandu dans les forêts soviétiques en ces temps de pénurie.

A Magadan, comme de nombreux prisonniers dans la deuxième année des années 1950, Eela et ses co-détenues ont eu la possibilité, restreinte mais réelle, de se prendre en photos. Les images d'Eela reflète le monde carcéral féminin et la dureté des travaux accomplis par les jeunes femmes. Mais elles évoquent également les forts liens d'amitié et de solidarité qui se nouent entre les prisonnières.

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Après la libération : les Estoniens à Magadan

La libération d'Eela en 1956, comme celle de nombreux détenus du Goulag, ne s'accompagne pas d'un retour immédiat dans son pays d'origine. Contraints légalement de démeurer en exil, ou ayant perdu tout lien avec leurs proches et leur passé, certains anciens prisonniers restent vivre dans les environs des camps. Eela, comme d'autres amis estoniens, passe plusieurs années à Magadan avant de retourner définitivement en Estonie. Cette phase de sa biographie est tout particulièrement riche en photographies, témoignages furtifs des moments heureux.

Entre liberté officielle et maintien obligé des conditions de vie en détention, une petite communauté s'organise. Dans les premiers temps, les détenus libérés habitent dans ces mêmes baraques qui leur servaient de logement lorsqu'ils travaillaient au camp. Avec la relative normalisation des conditions de vie, les intérieurs se meublent et se décorent, les conditions deviennent moins pénibles. Eela et son mari, qui se sont recontrés à Magadan, aménagent au mieux leur logement, protégeant les fenêtres du froid et des brigands, installant du mobilier et des instruments fabriqués à la main.

Le couple profite des beaux jours, de courte durée dans la Kolyma, pour découvrir la nature et la côte. Des excursions, des parties de pêche agrémentent les week-end d'été, et même l'hiver est propice aux promenades. Le cercle des amis estoniens n'hésite pas non plus à se retrouver pour de joyeuses soirées : tout est prétexte à la fête, même le baptême du chat!