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Le quotidien
Le quotidien est au cœur de la vie des déportés et de leurs récits. Il est avant tout fait de froid, de faim, de contraintes et de privations. Il incarne la déportation, en renvoyant au déracinement et à l’obligation de refaire sa vie.
Il est empli par le travail au kolkhoze et par diverses tâches domestiques d’autant plus épuisantes qu’il s’agit d’un monde extrêmement pauvre en objets, réduit au minimum. La plupart des objets est fabriquée par les paysans, à partir des matériaux disponibles sur place : bois, lin, chanvre, cuir, mais aussi racines de plantes utilisées comme savon ou peau d’oignon servant à colorer les tissus. Les déportés racontent alors leur exil à travers quelques objets clés, incarnation de la misère ou, au contraire, source d’espoir : les cochons qui apparaissent quelques années après la guerre trahissent une amélioration essentielle de la condition de ceux qui en disposent.
Épuisant et réduit, ce quotidien peut ainsi devenir un vecteur de reconstruction. Il est aussi le lieu central des vies communautaires : un attachement national, maintenu par la participation à des fêtes et rites religieux, la langue parlée à la maison, les chants traditionnels, certains objets gardés ou reproduits, comme les broderies ukrainiennes, n’excluent pas une insertion locale qui s’exerce à travers les échanges de services et de savoir-faire, loisirs et formes de sociabilité partagées.
Le quotidien représente ainsi un espace au croisement de différents univers : celui du travail collectif et des activités privées, de traditions variées où le monde soviétique impose un cadre général, mais où les pratiques et objets importés de la terre natale côtoient, ignorent ou rencontrent l'univers local.
Texte : Emilia Koustova et Jurgita Mačiulytė