Solidarité Ukraine
INED Éditions. Archives Sonores, Mémoires européennes du Goulag

Renvoi à divers approfondissements (textes, etc.)

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Les territoires de la déportation

Les lieux de déportation parsèment le territoire soviétique. Ils sont cependant surtout situés dans les régions, souvent régions de colonisation, où le migrant ne vient pas spontanément, car l’accès est difficile et l’environnement hostile.

La géographie des lieux de déportation se rapproche, sans coïncider, de la géographie des camps. Les premiers sont essentiellement répartis au nord du Kazakhstan, en Ouzbékistan, en Sibérie occidentale, dans la région du lac Baïkal et dans une zone au nord-est de Moscou. Les seconds sont plus nombreux dans les zones particulièrement inhospitalières, que ce soit le Grand Nord (tels les camps de Vorkouta, d’Inta ou d’autres) et dans certaines régions très rigoureuses de Sibérie (la Kolyma, etc.). Les camps sont souvent placés dans des zones minières ou le long des grands chantiers ferroviaires ou industriels. Les déportés, eux, vont plutôt en milieu rural, là où l’on cultive ou dans des exploitations forestières. Cependant, il n’y a pas de règles strictes et on retrouve les uns et les autres se côtoyant sur les divers chantiers. Il n’y a pas, en revanche, de lieux de déportation à l’ouest d’une ligne Léningrad-Moscou, où les camps sont nombreux car les besoins en main-d’œuvre y sont importantes. 

Les déportés ne sont pas enfermés derrière des barbelés. Il s’agit de les envoyer dans des lieux où la nature, les difficultés d’accès font office de murs d’enceinte. Ces territoires sont transformés grâce à eux, de nouveaux villages se créent, d’autres sont sauvés alors qu’ils étaient menacés par l’exode des locaux. Les destinées des déportés ont changé avec le temps et diffèrent selon les territoires d’origine. Les Lituaniens ou les Ukrainiens occidentaux sont souvent transportés en Sibérie, dans la région d’Irkoutsk, de Krasnoïarsk ou de Novosibirsk en particulier, alors que les Allemands peuplent plutôt l’Asie centrale.

De façon paradoxale, des territoires d’exil se forment permettant aux communautés nationales de reconstituer des liens de solidarité, fortement atténués cependant par les interdictions de circuler au-delà des limites du village et par la dispersion des villages spéciaux, qui accompagne le déracinement. Les déportés s’approprient peu à peu leurs lieux de déportation, qui deviennent alors de véritables territoires.

Ces lieux se dépeuplent, quand après la mort de Staline, et surtout après 1956, les déportés ont le droit de retourner dans leurs territoires d’origine. Les familles sont souvent dispersées sur tout le territoire ; lors des déportations de 1941, 1944 et 1949 des territoires annexés, les pères furent souvent envoyés dans les camps, les femmes et leurs enfants dans les villages spéciaux.

Cet immense territoire fut parcouru d’une correspondance éparse entre territoires d’origine, dans lesquels étaient restés quelques membre de la famille des déportés, camps dans lesquels les pères étaient envoyés, et villages spéciaux. Car, si le droit à correspondance est très limité (une lettre par mois pour les prisonniers des camps), il existe, même si chacun sait que les lettres sont ouvertes et lues par les organes policiers.

Lorsqu’ils survivent à l’extrême dureté du camp, les pères ou les fils adultes partent à la recherche de leur famille. Si certains ont réussi à conserver un lien lorsqu’ils étaient dans le camp, d’autres retrouvent où leurs parents résident, une fois libérés, au bout de semaines de recherche.

Alain Blum et Jurgita Mačiulité

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Le pin nain (Varlam Chalamov)

Varam Chalamov, Récits de la Kolyma, traduction Luba Jurgenson, Edtions Verdier, collection « Slovo », pp. 214-216, Paris, 2003 (édition originale : Стланик. Колымские рассказы. )

Le pin nain

Dans l'Extrême-Nord, là où la taïga rejoint la toundra, parmi les bouleaux nains, les buissons bas des sorbiers couverts de baies aqueuses jaune clair, étonnamment grosses, et les mélèzes vieux de six cents ans qui n'arrivent à maturité qu'au bout de trois cents ans, il y a un arbre spécial : le pin nain. C'est un lointain parent du cèdre1, un conifère: un arbuste à aiguilles persistantes avec un tronc à peine plus gros que le poing et long de deux ou trois mètres. Il se contente de peu, ses racines s'agrippent aux fentes de la roche du versant montagneux. Il est vaillant et têtu comme tous les arbres du Nord. Il a une incroyable sensibilité.

L'automne s'attarde, la neige et l'hiver devraient déjà être là. Des nuages bas, bleu sombre, comme pleins d'ecchymoses, défilent depuis de longues journées au bord de l'horizon tout blanc. Et aujourd'hui, au matin, le vent pénétrant de l'automne est devenu d'un calme menaçant. Est-ce un présage de neige? Non, il ne neigera pas. Le pin nain ne s'est pas encore couché. Les journées s'écoulent, il n'y a pas de neige, les nuages vagabondent quelque part derrière la montagne, un petit soleil pâle s'est levé dans le ciel immense et c'est toujours l'automne...

Mais le pin nain se recourbe. De plus en plus bas, comme sous un fardeau infini, sans cesse grandissant. Il égratigne la pierre de son faîte et se presse contre terre en écartant ses pattes d'émeraude. Il s'aplatit. Il ressemble à une pieuvre avec des plumes vertes. Ainsi couché, il attend un jour ou deux; le ciel blanc déverse enfin une neige poudreuse et le pin nain s'enfonce dans son hibernation comme un ours. La montagne blanche se couvre de grosses ampoules neigeuses : ce sont les arbustes de pin nain couchés pour l'hiver.

À la fin de l'hiver, quand la neige recouvre encore la terre sur une épaisseur de trois mètres, quand les tempêtes ont tassé dansles gorges une neige dure qui ne peut être entamée qu'au fer, les hommes attendent en vain les signes avant-coureurs du printemps, bien que c'en soit déjà l'époque selon le calendrier. Mais la journée ne se distingue en rien d'un jour d'hiver: l'air est coupant et sec comme en janvier. Heureusement, les sensations de l'homme sont trop faibles et sa perception trop simple; d'ailleurs, il n'a pas beaucoup de sens, il n'en a que cinq, ce qui est tout à fait insuffisant pour la prédiction et la divination.

La nature est plus fine que l'homme dans ses sensations. Nous en savons quelque chose. Songez aux saumons qui ne viennent frayer que dans la rivière où a été pondu l'œuf qui leur a donné naissance. Songez aux routes mystérieuses des migrations d'oiseaux. Les plantes et les fleurs baromètres sont pléthore. Mais voilà que dans la blancheur neigeuse infinie, dans l'entière désespérance, se dresse soudain le pin nain. Il secoue la neige de sa ramure, se redresse de toute sa hauteur et lève vers le ciel ses aiguilles vertes, givrées, à peine roussies. Il entend l'appel du printemps qui ne nous est pas perceptible et, lui faisant confiance, il se redresse, le premier de tous dans le Nord. L'hiver est terminé.

Il peut se produire autre chose : quelqu'un allume un feu. Le pin nain est trop confiant. Il déteste tant l'hiver qu'il est prêt à croire en la chaleur d'un feu. Si l'on en fait un en hiver à proximité d'un buisson de pin nain recourbé, tordu pour son hibernation, il se redresse. Le feu s'éteint, et le conifère déçu se courbe à nouveau avec des larmes de dépit et se couche au même endroit. Et la neige l'ensevelit.

Non, il n'est pas seulement le prophète du temps. Le pin nain est l'arbre de l'espoir; c'est l'unique arbre à feuilles persistantes de tout le Grand Nord. Dans la neige blanche étincelante, sa ramure d'aiguilles vert mat raconte le Sud, la chaleur, la vie. L'été, il est modeste et passe inaperçu : tout fleurit alentour avec vélocité pour tenter d'atteindre un plein épanouissement pendant le bref été du Nord. Les fleurs du printemps, de l'été et de l'automne se succèdent, exubérantes. Mais l'automne approche, et tombent les petites aiguilles jaunies qui laisses des mélèzes à nu, l'herbe des champs se pelotonne et se dessèche, la forêt se dénude et on peut alors apercevoir sur l'herbe jaune pâle et sur la mousse grise le flamboiement des grandes torches vertes de pin nain.

J'ai toujours considéré le pin nain comme l'arbre russe le plus poétique, bien plus que le fameux saule pleureur, le cyprès ou le platane. Et ses bûches donnent davantage de chaleur.

1960

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Un monde de femmes

Nombreux sont les témoins qui se souviennent d’une arrivée dans les baraques en Sibérie, où ne vivaient que des femmes et leurs enfants. Ce monde de femmes revient fréquemment dans les récits, et souvent la seule figure masculine est le commandant qui vient, une fois par mois, pointer les diverses familles assignées à résidence dans un village. Les hommes, leurs pères, sont dans les camps, d’où certains reviendront, d’autres non.

Certaines instructions de déportation prennent bien soin d’inclure des «Instructions de séparation de la famille du déporté de son chef». L’homme est considéré comme plus dangereux que la femme et la ségrégation provoquée au goulag est en général très grande.

Il est vrai aussi que la répression la plus dure a surtout touché les hommes. Avant guerre, plus de 90 % de la population des camps sont des hommes. Ils sont encore plus de 80 % après guerre, même si certains camps de femmes existent, comme le fameux camp d'Aljir, au Kazakhstan. Plusieurs instructions d’avant-guerre sont explicitement tournées vers les femmes de déportés, d’ennemis du peuple. Ces instructions mettent en valeur la très forte ségrégation qui domine la répression, non seulement dans les actes mais aussi dans les représentations des autorités répressives.

Cependant, à la féminité du monde de la relégation, se rajoute la féminité particulièrement élevée du monde soviétique de l’après-Seconde Guerre mondiale. L’URSS des années du «second stalinisme» est un monde que la violence du conflit mondial a fortement féminisé, la guerre ayant coûté 26 millions de victimes soviétiques, dont l’essentiel furent des hommes. Les générations adultes, qui ont participé aux combats, sont marquées par un déséquilibre des sexes particulièrement fort.  

Statistiques

Les statistiques générales dont on dispose, après la Seconde Guerre mondiale, sur le monde de la relégation, semblent contredire les témoignages que nous avons recueillis. Le 1er juillet 1952, sont décomptés un peu moins de 800 000 hommes, un peu plus d’1 million de femmes, et un peu moins de 900 000 enfants, soit 44% d’hommes parmi les adultes. L’impression des témoins est-elle inexacte ? Ne proposent-ils que la vision du monde soviétique d’après-guerre, et non du monde de la relégation ? Il faut en fait aller plus dans le détail pour conforter leurs témoignages, car plusieurs facteurs expliquent qu’un recensement général des déplacés spéciaux ne fournisse pas la même image que celle proposée par nos témoins. Ces recensements incluent en effet, pour partie, les paysans déportés entre 1929 et 1932, qui le furent sans que soient séparés les hommes des femmes et des enfants. Il en fut de même durant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les «peuples punis» furent déportés. Les Allemands de la Volga, Tchétchènes, Ingouches, Grecs, etc. sont emportés en famille, vers les terres d’Asie centrale. Ce sont, en revanche, surtout après-guerre que furent séparés, dans les territoires annexés, les hommes du reste de leur famille, lorsqu’ils étaient soupçonnés de lutter contre le pouvoir soviétique.

Domination masculine

La ségrégation débute dès l’arrestation. Elle se prolonge, différemment, sur les territoires de la déportation, car ce monde est plus sensible encore aux relations de domination masculine qui caractérisent la société soviétique d’après-guerre. Cette domination mêle spécialisation au travail, domination politique et policière, etc. Les commandants sont toujours des hommes. La mécanisation est aisément associée à la figure masculine, quand le travail non qualifié et répétitif fait appel aux femmes. En URSS, les migrations spontanées de travailleurs ne suivent pas les schémas qu’on observe alors en Europe occidentale. Cette dernière a fait largement appel à la main-d’œuvre immigrée de l’étranger pour pallier le déficit d’une main-d’œuvre non qualifiée. En URSS, il n’y a pas eu de tels mouvements migratoires, ni même, dans les années 1970, de mouvement en provenance des Républiques méridionales de l’URSS (Asie centrale), que les autorités perçoivent après la Seconde Guerre mondiale comme réservoir potentiel de main-d’œuvre. Les femmes sont alors souvent là pour pallier cette absence.

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Le voyage des déportés

Entre l’arrestation et la relégation, la forme des trajets se répète de façon étonnamment identique, dans presque tous les récits. Arrêté dans un village, on part sur une charrette, souvent, jusqu’à la station de train la plus proche, où attendent déjà d’autres futurs déportés. Le train est un long convoi de wagons à bestiaux, souvent équipés de châlits, parfois chacun reste à même le sol. Les personnes s’entassent dans ces wagons, de tous sexes et de tous âges. Le voyage est alors long, très long, sans que la destination n’ait jamais été indiquée au départ. L’arrivée est brutale, étonnante ; rien ne signalait qu’on était au bout du voyage en train. En général, la station est petite, au milieu de nulle part, mais le trajet ne s’arrête pas là. Soit ils continuent de suite, en voiture ou en camion, vers leur destination finale. Soit les déportés attendent, un temps, dans des baraques, qu’on viennent les chercher. Encore quelques dizaines, de kilomètres avant de se retrouver dans le lieu qui sera la première étape de la déportation.

Souvent, lors du trajet en train, des voies uniques imposent de longs arrêts en gare, pour laisser passer un autre convoi, dans l’autre sens. Le train arrive à une gare quelconque, perdue en Sibérie, retourne en arrière, repart pour un trajet qui ne semble jamais direct. Les hommes et les femmes s’organisent, isolent un coin du wagon qui devient les toilettes, un trou dans le sol, un seau. Ils cherchent à préserver un minimum de pudeur. Si les enfants ne sont pas gênés, ils perçoivent la gêne des femmes. Les portes restent fermées, seules parfois quelques lucarnes permettent d’apercevoir les environs. Les uns ont apporté de la nourriture, d’autres essaient de saisir quelques denrées lors des arrêts. L’eau chaude est essentielle, et souvent elle est donnée dans les gares, où l’un des voyageurs part à sa recherche, sans s'éloigner, sous l’œil de l’escorte. Les soldats d’escorte n’apparaissent que lors des haltes, quand les wagons s’entrouvrent. Ils ne montrent pas de signes de violence particulière, mais les enfants entendent leurs tirs lorsque certains tentent de s’enfuir. Parfois ces fuyards réussisent à disparaître dans les forêts. Nul, bien entendu, ne saura alors ce qu’ils sont devenus. Dans ce trajet vers l’inconnu et l’incertain, certains repères comme la traversée d’un fleuve, le passage de l’Oural et de ses montagnes, la vision de la taïga, prennent une grande importance. Chacun y va de son interprétation sur le lieu traversé, sur la signification des changements. Derrière ces récits qui se répètent, apparaissent des différences. Les trajets de 1941 et de 1944 sont à l’évidence beaucoup plus douloureux, la faim et l’épuisement étant très présents, que ceux de 1949, période plus éloignée de la guerre. Ces récits renvoient aussi aux premières déportations massives, associées à la collectivisation de 1929-1930, qui étaient souvent improvisées. «Déportations-abandon» (N. Werth) dans lesquelles les déportés étaient parfois laissés en pleine nature. Celles que les témoins relatent ici ne le sont en général pas. L’organisation est plus claire, ils sont accueillis, même si c'est souvent dans des conditions très difficiles. Les instructions, publiées par les organes du ministère de l’Intérieur en charge de la déportation, décrivent finalement assez bien, dans le détail, ce que racontent aujourd’hui, les témoins. Alain Blum
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Repères chronologiques
1943 -1952

  
 

1943
Février :La victoire de Stalingrad, marque l’un des tournants de la Seconde guerre mondiale.
Novembre : déportation en Asie centrale d’environ 69 000 Karatchaïs du Caucase. Il s’agit de la première opération collective contre un « peuple puni », accusé de collaboration massive avec l’occupant, et expulsé de ses terres dans son intégralité. Les autonomies nationales dont disposaient ces peuples sont supprimées (région autonome des Karatchaïs, République de Kabardie-Balkarie, République de Tchétchénie-Ingouchie, République de Kalmoukie).
Décembre : déportation en Asie centrale d’environ 92 000 Kalmoukes du Caucase.
  
1944
Février : déportation d’environs 387 000 Tchétchènes, 91 000 Ingouches et 37 000 Balkares du Caucase du Nord.
Novembre : déportation d’environ 92 000 Meskhètes, Kurdes et Khemchiles de Géorgie.
Mai : déportation d’environ 187 000 Tatares, 22 000 Bulgares et Arméniens de Crimée, 40 000 Grecs de Crimée, Géorgie, Arménie et des régions de Krasnodar et Rostov.
30 juillet : Staline ordonne le désarmement, l’arrestation et la déportation des officiers et soldats polonais de l’Armée de libération polonaise (AK) qui avaient participé à l’opération Burza (Tempête).
Décembre : déportation d’environ 110 000 germanophones (les Volksdeutsche) résidant en Hongrie, Roumanie, Bulgarie et Yougoslavie.

Hiver 1944-juin 1945
En Russie subcarpatique sont arrêtés les membres du parti agraire et du parti hongrois, les émigrés russes des années 1920, les nationalistes ukrainiens et biélorusses, les Tchèques et Slovaques qui s’opposaient au rattachement de la Russie subcarpatique à l’URSS.
  
Printemps 1944-1951
Arrestation et déportation de centaines de milliers de collaborateurs (réels ou présumés), de membres de l’Organisation nationaliste ukrainienne (OUN), de combattants de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), de partisans biélorusses, de résistants baltes, réels ou présumés, luttant avec les armes contre l’occupation soviétique. Les familles des résistants ukrainiens et baltes que les Soviétiques désignent comme « bandits » sont déportés dans des villages spéciaux en Sibérie et dans le Grand Nord.
  
1945
Janvier : déportation d’environ 70 000 Saxons et Souabes (roumains germanophones) de Transylvanie méridionale (Roumanie) dans le Donbass, bassin minier en Union soviétique, et dans d’autres bassins industriels ukrainiens.
Printemps : déportation d’environ 100 000 personnes de Slovaquie ; une partie est amenée de force en URSS, surtout dans la région du Donbass, pour aider à la reconstruction ; d’autres sont condamnés comme « criminels de guerre » pour avoir combattu aux cotés des Allemands, des Hongrois ou des Slovaques (la Slovaquie avait profité de la domination de l’Allemagne nazie pour proclamer son indépendance).
Avril : dans les jours qui suivent la libération de la Tchécoslovaquie par l’Armée rouge et jusqu’en février 1948, le NKVD arrête et déporte en URSS les émigrés russes qui avaient fui le régime bolchevique dans les années 1920 et 1930, essentiellement des membres de l’élite culturelle et économique (ingénieurs, juristes, journalistes, écrivains, traducteurs, officiers, professeurs, diplomates, commerçants).
À partir d’avril 1945 : déportation d’environ 800 000 travailleurs forcés (dont 500 000 Allemands) des pays occupés par l’Armée rouge au titre des réparations de guerre.8-9 mai 1945 : capitulation de l’Allemagne. L’Armée rouge occupe une partie du territoire allemand ainsi que les pays d’Europe de l’Est.
Printemps-été : déportation des germanophones (les Volksdeutsche) résidant en Lituanie.
En Europe centrale et orientale, sont arrêtés et déportés en URSS de nombreuses personnes pouvant constituer un obstacle à la mise en place de régimes prosoviétiques.
  
1948
Mai : au moment de la collectivisation des terres en Lituanie, le NKVD lance l’opération Vesna (« printemps ») : 40 000 paysans, dont 11 000 enfants, sont déportés dans des villages des régions de Krasnoïarsk, d’Irkoutsk et de Bouriatie.
  
1949
Mars : opération de déportation de masse dans les pays baltes, essentiellement dans les campagnes.
En Lituanie, cette opération porte le nom de Priboï (« ressac ») : Près de 9 000 familles lituaniennes, soit environ 30 000 personnes, sont déportées en Sibérie.
Avril : Opération de déportation analogue, menée en Moldavie.
Mai : Opération de déportation des Grecs de Géorgie.
  
1951
De juin 1949 jusqu’en août 1952, des déportations plus ou moins importantes sont organisées dans les pays baltes. À l’automne, une opération de masse, intitulée Osen (« automne »), est menée exclusivement en Lituanie et elle a comme cible uniquement les paysans qui n’adhéraient pas aux exploitations collectives. Plus de 16 000 personnes, dont 5 000 enfants, sont déportées dans la région de Krasnoïarsk.

   Alain Blum et Marta Craveri

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Naum Kleiman raconte l'histoire de sa déportation (Partie 3)

Est présentée ici le récit que Naoum Kleiman a fait de sa déportation durant l'entretien réalisé par Irina Tcherneva et Alain Blum le 25 juin 2015 à Moscou, dans le musée Eisenstein à Moscou. 

Trois parties sont distinguées. L'ensemble des trois parties peut aussi être téléchargé: Partie I, Partie II, Partie III.

 

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Naum Kleiman raconte l'histoire de sa déportation (Partie 2)

Est présentée ici le récit que Naoum Kleiman a fait de sa déportation durant l'entretien réalisé par Irina Tcherneva et Alain Blum le 25 juin 2015 à Moscou, dans le musée Eisenstein à Moscou. 

Trois parties sont distinguées. L'ensemble des trois parties peut aussi être téléchargé: Partie I, Partie II, Partie III.

 

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Naum Kleiman raconte l'histoire de sa déportation (Partie 1)

Est présentée ici le récit que Naoum Kleiman a fait de sa déportation durant l'entretien réalisé par Irina Tcherneva et Alain Blum le 25 juin 2015 à Moscou, dans le musée Eisenstein à Moscou. 

Trois parties sont distinguées. L'ensemble des trois parties peut aussi être téléchargé: Partie I, Partie II, Partie III.

 

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Anatolij Smilingis

Biographie détaillée d'Anatolij Smilingis

Anatolij Smilingis naît le 4 octobre 1927 à Plunge, en Lituanie. Sa mère est enseignante et son père, directeur d’école, dirige également un parti local nationaliste. Après une perquisition exécutée chez eux par deux soldats soviétiques, la famille est déportée le 14 juin 1941. Le père est alors séparé du reste de la famille. Pour toujours. 

A 14 ans, Anatolij se retrouve avec sa mère et sa petite soeur Rita. Après un long voyage, ils sont débarqués du train à Kotlas où le trajet se poursuit en barges vers la République Komi. Enfin, par camionnette, ils rejoignent leur destination finale: le « Vtoroj ucastok », un camp de la veille transformé en « village spécial».

Sa mère trouve du travail au chaud, dans les bains, tandis qu’Anatolij s’exerce en forêt comme marqueur: il relève les dimensions des rondins. Au départ, ils ont encore des provisions, mais très vite, à l’hiver 1942, la situation se détériore et la famine s’installe. De nouveaux « contingents » arrivent, des Polonais, des Chinois, des Iraniens, si bien qu’Anatolij apprendra le chinois avant le russe. Tous les déportés font preuve de solidarité. Suite à l’arrestation de sa mère, envoyée en camp pour avoir chapardé quelques graines d'avoine, Anatolij commence à gonfler à cause de la faim et échappe de peu à la mort. Il sera sauvé grâce à un seau d’airelles qu’on lui apporte par pitié.

A peine remis, Anatolij reprend le travail en forêt. En 1943, il déménage au village spécial de Sobino, puis, après la guerre s’engage à l’exploitation forestière de Negakeros. Il tombe malade du typhus suite à une épidémie transmise par les nouveaux déportés venus d’Ukraine occidentale. En 1949, il se retrouve à l’hôpital de Kortkeros. Grâce à un autre déporté, chirurgien militaire, qu’Anatolij avait aidé par le passé, il arrive à s’embaucher comme économe à l’hôpital. Mais il n’a qu’une seule envie: retourner en forêt. Son amour pour la forêt est tel qu’il commence dès le début des années 50 à organiser des excursions avec des enfants, pour la plupart, fils de membres du Parti. Il les accompagne sur les traces des anciens camps et des charniers, ce qui est à l’époque interdit. Anatolij se demande encore comment ces enfants ont pu lui être confiés alors qu’il était lui-même encore fiché dans le registre des "déplacés spéciaux". 

Avant son départ pour Kortkeros, Anatolij avait accompagné sa soeur à l’embarcadère de cette ville, d’où les enfants polonais étaient renvoyés chez eux. Elle a fui et rejoint la Lituanie. Pendant deux ou trois ans, elle s’est cachée. Plus tard, au moment de la chute de l’URSS, elle a fait partie du mouvement indépendantiste lituanien dont elle a côtoyé les grandes figures. Elle vit aujourd’hui en Lituanie.

Après la mort de Staline, Anatolij correspond avec un oncle exilé aux USA, ce dernier lui envoie des colis de vivres, qui sont soigneusement fouillés par le NKVD. C’était avant sa libération en 1955, date à laquelle Anatolij reçoit une attestation de la république de Lituanie lui annonçant sa radiation des registres spéciaux, ainsi qu’un passeport avec restriction de déplacement dans les frontières de la République Komi. Même par la suite, Anatolij a toujours repoussé son départ. Il était passionné par son travail, les randonnées avec les enfants lui avaient apporté une reconnaissance sociale. Il n’avait pas envie de quitter cela pour l’inconnu, bien que sa soeur l’ait toujours poussé à revenir en Lituanie. Il a néanmoins fait les démarches pour avoir la citoyenneté lituanienne : il possède désormais la double nationalité et touche des indemnités en Lituanie. 

Anatolij oeuvre aujourd’hui pour le travail de mémoire et le tourisme mémoriel dont il est très certainement le pionnier dans cette région. Il possède d’importantes archives et a même inauguré, il y a dix ans, une commémoration qui se tient chaque année le 14 juin, date de la première déportation des Lituaniens, à l’ancien village spécial de « Vtoroj Ucastok », près de la croix érigée en mémoire des déportés. Les anciens déplacés spéciaux, toutes origines confondues, se retrouvent chaque année pour partager ce moment. 

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Les conséquences migratoires de la Seconde guerre mondiale

Trois ouvrages parus dans le cadre d'un projet collectif, soutenu par la FMSH et le RGNF, et mené par le CERCEC et l'Université de Novossibirsk. Il est possible de les télécharger.

 

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  • Ablazhey Natalia, Blum Alain (dir.), 2012, Миграционные последствия Второй Мировой Войны: Этническине депортации в СССР и странах Восточной Европы, tome 1, Novossibirsk (Russie), Nauka, 362 p.

Table des matières:

  

Часть 1. Депортационные операции и кампании

 
Красильников С.А.  Депортации как индикатор социальных катастроф в СССР (1930–1940-е гг.)7
Гуршоева Т.В.  Спецпоселенцы из Западной Украины на поселении в Иркут- ской области в 1940-е годы16
Башкуев В.Ю.  По обе стороны режима: наблюдательные дела как источник по истории литовской ссылки в Бурят-Монголию22
Аблажей Н.Н., Салахова Л.М.  10 мая 1950 года: один день из жизни спецпо- селенцев-«оуновцев» в Иркутской области37
Кретинин С.В.  Массовые выселения и «изгнания» немцев из стран Цент- ральной и Восточной Европы в 1945–1949 гг.: актуальные подходы и современное состояние дискуссий45
Костяшов Ю.В.  Депортация немцев из Калининградской области после войны56
Аблажей Н.Н.  Выселение немцев из Литвы в Восточную Германию в 1951 году 67
Носкова А.Ф.  К истории репатриации из СССР граждан II республики (1945–1946 гг.) 73
Сарнова В.В. Особенности статуса депортированных польских граждан и их реэвакуация из Новосибирской области в 1946 году85
Аблажей Н.Н.  Репатриация поляков и евреев со спецпоселения в Польскую Народную Республику в 1955 году98

Мурашко Г.П. 

 

Как и где решалась судьба венгерского меньшинства в Сло- вакии после Второй мировой войны (по материалам российских архи- вов)

110
  

Часть 2 «Память о депортациях »

 

Блюм А., Кустова Э. 

 

Звуковые архивы. Европейская память о ГУЛАГе

 121
Кравери М., Лошонци А.-М.  Траектории детства в ГУЛАГе. Поздние воспо- минания о депортации в СССР166
Рожанский М.Я.  Жизнеописание «везучего человека» Херша (Цви) / Гарри Цуккера183
Салахова Л.М., Ромадита Т.И.  История депортации: взгляд изнутри и из- вне199
Маркдорф Н.М.  «Власовцы» поневоле213
Флиге И.А.  Память о советском государственном терроре против поляков в материальном воплощении на территории России219
Даниэль А.Ю.  Эхо депортации: крымскотатарское движение за возвращение и предпосылки к установлению связей с правозащитным сообществом 234

 

 

  • Ablazhey Natalia, Blum Alain (dir.), 2013, Миграционные последствия Второй Мировой Войны: Депортации в СССР и странах Восточной Европы, tome 2, Novossibirsk (Russie), Nauka, 235 p.

Table des matières:

 

Часть 1. Депортационные операции и кампании

 
Носкова А.Ф.Депортации немцев из Польши: геополитика и мораль в решениях великих держав3
Кретинин С.В.Массовое выселение этнических немцев с румынских территорий в 1940–1941 гг.24
Покивайлова Т.А.Национальные меньшинства в Румынии: проблемы депортаций и переселения в 1940-х — начале 1950-х гг.38
Мурашко Г.П.Проблема депортации немецкого населения из Чехословакии после Второй мировой войны: от зарождения концепции к ее реализации (по документам российских архивов)48
Шаповал Ю.И.Переселение польского и украинского населения в 1944–1947 гг.57
Клейн-Гуссефф К.Возвращение на родину: переселение польского меньшинства из Западной Украины и «репатриация» бывших польских граждан из Центральной Азии (1944–1946 гг.)79
Аблажей Н.Н., Клейн-Гуссефф К.1947 год: неизвестная история советской границы85
Слоистов С.М.Идентичность поляков, чехов и словаков на Восточном фронте (1941–1945 гг.)98
 

Часть 2. Жизнь в депортации. Возвращение и память о депортации

 
Красильников С.А.Адаптация спецконтингентов в Западной Сибири к послевоенным реалиям: институциональные рамки и поведенческие пратики112
Аблажей Н.Н., Маркдорф Н.М.Власовцы на спецпоселении в СССР123
Башкуев В.Ю.Сохранение этнической и религиозной идентичности литовскими спецпоселенцами в Бурят-Монголии (1948–1960 гг.)134
Сарнова В.В.Ссыльнопоселенцы из республик Прибалтики на территории Западной Сибири в 1941–1945 гг.152
Мондон Э.Судьба высланных из Западной Украины семей на примере Архангельской области (1944–1960 гг.)172
Аблажей Н.Н., Салахова Л.М.Режимная повседневность: особенности структуры управления и надзора в спецпоселениях186
Рожанский М.Я.По другую сторону депортации: семейные предания и поколенческие мифы197
Флиге И.А.Материализация памяти о депортациях в музеях Литвы211
  • Ablazhey Natalia, Blum Alain (dir.), 2012, Миграционные последствия Второй Мировой Войны: Депортации в СССР и странах Восточной Европы, tome 3, Novossibirsk (Russie), Nauka, 227 p.

Table des matières:

Блюм А. Возвращение и память (вместо введения)3
  

Часть 1. Возвращение и память депортации

 
Блюм А.   противоречивое завершение сталинизма: медленное освобождение населения, депортированного с западных территорий СССР12
Кустова Э.   просить, убеждать, изворачиваться: литовские спецпереселенцы ходатайствуют о возвращении на родину31
Сарнова В.В.   Материалы из архивно-следственных дел как источник по истории спецссылки54
Эли М.   Размышления о причинах сохранения системы спецпоселений в1953–1957 гг.65
Аблажей Н.Н.   Освобождение из ссылки: решения республиканской комиссии Армянской ССР по пересмотру дел «дашнаков», выселенных в А лтайский край73
Шаповал Ю.И.   Некоторые проблемы адаптации депортированных в Украинев послевоенное время82
Даниэль А.Ю.   память о национальных депортациях в публичном простран-стве 1950–1960-х годов89
Красильников С.А.   Депортанты ХХ века: крестьянская память об изгнаниии возвращении в социум98
Кравери М.   Еврейские судьбы в ГУЛАГе и формы мемориализации: евреи польши и стран Балтии112
Флиге И.А.   память о сибирских могилах120
  

Часть 2. Депортационные операции

 
Кретинин С.В.   Интернирование и депортации немецкого национального меньшинства в польше накануне и в начале Второй мировой войны138
Башкуев В.Ю.   Транспортировка и расселение литовского спецконтингента вБурят-Монгольской АССР летом 1948 года153
Дени Ж.   Между «борьбой с бандитизмом» и раскулачиванием: операция«прибой» в Латвии (март 1949 г.)170
Волокитина Т.В.   Болгарские турки: проблема депортаций и переселения(конец 1940-х — начало 1950-х гг.)182
Мурашко Г.П., Слоистов С.М.   К вопросу о некоторых внешнеполитических факторах, определивших послевоенную политику правящих кругов чСР в отношении венгерского национального меньшинства в Словакии(1944–1949)196
Аблажей Н.Н.   Иностранцы, апатриды и репатрианты на спецпоселении вСССР213

 

 

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